Marie Papillon

comment j'aime

je me souviens avoir eu du mal à relâcher mes pensées d'amour. alors mes amours se superposaient, se croisaient dans ma tête, sans que rien n'arrive avec les personnes. peut-être était-ce un besoin, pour ne pas me sentir seule. c'était, à bien des endroits, épuisant et inconfortable. j'ai entrepris une démarche pour cesser les pensées obsessionnelles. je suis allée me confronter, une à une, à chaque réalité. cela ne veut pas dire aujourd'hui que je ne ressens plus du tout d'amour. circonstanciellement, parce que la mémoire est ainsi faite, certaines sensations se réveillent fort. alors cela veut dire que quelque chose n'est toujours pas terminé. parfois au contraire c'est une sérénité, le confort agréable d'un amour passé mais qui n'est plus vif ni nourri d'attentes, quelque chose qui ne me trouble plus et où je peux continuer ma route. je ressens l'amour aujourd'hui comme en pointillés, et, paradoxalement, même si c'est à peu près la seule chose sur laquelle j'écris, j'ai quand même l'impression de moins y penser et de le vivre davantage, c'est à dire avec moins d'interférences. il y a des amours qui sont, je dirais, encore en voie de guérison. c'est étrange de l'écrire comme cela, car aimer n'est pas censé être une maladie. mais cela peut se ressentir comme tel quand les situations s'enchaînent, trop compliquées, qu'il n'y a peut-être pas de réciprocité, ou alors incompréhensions, blessures émotionnelles, choix de vie différents. cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'amour. mais sans trop s'y attarder on peut choisir de pousser le chemin plus loin. voir l'amour comme un élément du paysage que l'on traverse, une montagne caillouteuse, un fleuve du long duquel on marche un temps, dans lequel on se baigne peut-être, une prairie ou une colline accueillante. alors j'ai besoin de marcher encore, d'être en mouvement. mon amour est sans maison, il est dans un sac à dos, et, si j'exagère, j'aimerais bien un jour n'avoir plus rien à porter, moi petit âne, petit mulet.